jeudi, octobre 16, 2003

Tu m’a quittée le jour de la fin du monde.
Par un étrange pressentiment, tu savais que c’était le moment. A peine avait tu finis d’en finir avec nous et plus rien, silence de mort. – fin des temps –

Le souvenir de cette conversation suinte dans ma tête comme un vieux mur humide.
Tu parlais avec ce détachement feint, les tremblements de ta voix te trahissants pour la première fois. Au bout d’un moment je n’entendis plus rien car je ne savais que trop ce que tu avais à me dire.
Je regardais ta bouche tant de fois épousée articulant les mots au ralentit, ton regard me fuir, lui aussi, ta main ramener machinalement tes cheveux balayés par un léger vent chaud.
Tu n’aimais pas le vent. Toi encore enfant, il avait arraché dans le jardin de son petit pavillon de banlieue quelques arbres et la vie de ta grand mère. Il fallait bien qu’il emporte aussi notre histoire.

- « Tu es en avance à notre rendez vous. »

Juste une petite phrase, véritable sentence, échafaud sur lequel tu as exécuté mon rêve de t’aimer.
Je me suis retrouvé interdit, incapable d’essayer de te retenir, incapable de trouver les mots qui iraient se ficher droit dans ton cœur et empêcher ça, empêcher ça.
Tu est partie avec ce petit pli soucieux que ton front laisse entrevoir quand tu es nerveuse, ta robe flottant dans la brise printanière.

Six mois déjà.
L’envie de vomir permanente est la seule chose qui me rappelle que je vis, quel bonheur.
Je me persuade de tenir jusqu’à demain en espérant que tu m’appelles, en imaginant une quantité invraisemblable d’histoires qui ne tiennent pas debout. Il n’y rien d’impossible, tu va revenir vers moi, moi qui ne suis rien, paradoxe ridicule de l’amoureux dépressif ou tout ce que je répète signifie en fait le contraire.

J’étouffe.
Tu es partout, omniprésente. Dans chaque passante au cheveux long, dans chaque silhouette élancée qui s’évapore au coin de la rue, dans chaque couple qui s’embrasse dans les parcs.
Comment respirer quand chaque molécule d’air porte ton parfum.
Comment manger quand le goût de ta peau envahi mon assiette.
Comment dormir quand ton image explose dans mon crâne à longueur de nuit.
Jaloux de ce que j’imagine, malade à l’idée de ta vie sans moi, furieux de manque, de vide, dévasté comme une terre brûlée, je tourne en rond et chaque jour je te maudis mais je t’aime, je te maudis mais je t’aime, indéfiniment.

Dans ma tête règne un chaos indescriptible. Je m’effondre sur moi même comme un immeuble qu’on dynamite. Tu as appuyé sur le bouton mais j’ai pris soins de disposer les explosifs dans toutes mes bases, au fur et à mesure des années. Ca devait finir par arriver.
Pourtant à notre rencontre tu m’étais apparue comme une évidence. La passion au premier regard, cliché tellement improbable qui arrive, bien sûr.

Quand tu as débarquée dans ma vie tout paraissait écris. Je voyais déjà nos jours de joie changer l’humanité. Je m’imaginais m’amusant à regarder tes rires modifier les paysages et courir de proches en proches sur les visages des simples passants.
Quelques jours à peine et déjà j’avais pris beaucoup trop d’avance sur toi.
Question de foi serais-je tenté de dire, foi immédiate en toi qui m’étais inconnue.
A aller trop vite, trop fort, j’ai perdu tout recul. Je t’aimais pour deux, je me vouais inévitablement à une passion infirme.

Infirme. C’est comme infini mais ça ne marche plus.
Ton coeur ne connais que trop le sens de ce mot.